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Eloi, de l’or au bout des cheveux

Les supporters monégasques en frissonnent encore à l’évocation de son nom. Arrivé à l’AS Monaco en janvier 1999, pour remplacer numériquement Thierry Henry parti à la Juventus Turin, Wagneau Eloi est seulement considéré comme un joker dans l’effectif monégasque. Car si Thierry Henry est parti, il reste encore David Trezeguet et Victor Ikpeba au club. De même que Robert Spehar est installé comme le premier remplaçant en attaque. Mais Eloi est encore relativement jeune lorsqu’il signe en Principauté (26 ans) et peut encore progresser. À Lens, son ancien coéquipier Jean-Guy Wallemme disait du Franco-Haïtien qu’il avait «toutes les qualités pour devenir un grand attaquant, mais il ne les exprime pas encore pour cause de dilettantisme. Quand il sera plus mature, il fera mal.» C’était en mai 1998 et lesSang et Orvenaient de conquérir leur premier (et unique) titre de champion de France.

Lors de cette saison faste pour le Racing Club de Lens, qui va également se hisser jusqu’en finale de la Coupe de France (défaite face au Paris Saint-Germain), Eloi n’est d’ailleurs pas un titulaire, car Vairelles, Smicer et Drobnjak sont devant lui. Toutes compétitions confondues, il a pris part à 20 rencontres et inscrit cinq buts. Lors de la saison 1998-1999, il n’est toujours pas vu comme un titulaire aux yeux de son entraîneur Daniel Leclercq, même s’il prend de plus en plus d’importance dans le collectif lensois. Et malgré son statut de remplaçant, Eloi inscrit neuf buts en 24 rencontres lors de la première moitié de saison. Il s’illustre également en Ligue des Champions avec une réalisation face au Panathinaïkos, après son entrée en jeu. Au point même que le natif de Port-au-Prince devient l’un des chouchous du public lensois, malgré sa maladresse devant les buts : «Vu le nombre d’occasions que je me crée, je me dois d’augmenter mon pourcentage de réussite», avait-il commenté.

C’est à la faveur d’un automne réussi qu’Eloi va finalement signer à l’ASM, pour quatre saisons et demi. L’attaquant aux cheveux peroxydés en est conscient : «Je suis en réussite. Ces buts vont m’aider à franchir un palier… Je n’ai pas le choix, je joue ma vie cette saison. Je veux en finir avec cette étiquette d’éternel espoir, de joker», confiait-il en octobre 1999 auFigaro*. Frustré de ne pas pouvoir s’imposer dans le onze lensois, Eloi préfère tenter l’aventure monégasque lorsque Claude Puel, qui vient d’être nommé entraîneur de l’ASM après la démission de Jean Tigana, lui fait des avances. Même si Lens continue d’évoluer à un bon niveau, l’ASM est l’une des équipes les plus attractives du championnat de France avec plusieurs épopées européennes sur les saisons précédentes.

Mais à Monaco, Eloi n’est pas davantage perçu comme un titulaire en puissance et le palier qu’il souhaite franchir en rejoignant une plus grosse écurie sera une marche bien trop haute pour lui. Il ne joue que dix rencontres à son arrivée pour un but inscrit. Et même si Ikpeba et Spehar s’en vont à l’été suivant, les portes ne s’ouvrent pas davantage devant lui. L’ASM va recruter Marco Simone pour faire la paire avec Trezeguet tandis que Gallardo et Giuly seront les principaux pourvoyeurs de ballons du duo. Le futur champion de France va débuter difficilement son exercice 1999-2000 et Eloi commenter ainsi la défaite contre Lens (1-0) : «L’équipe se cherche, commet beaucoup de maladresses dans la conception du jeu et manque de sérénité». En ce début de saison, Eloi ne joue que des bouts de matchs. En réalité, plus elle avance, plus il recule dans la hiérarchie. Puel se rend compte de son erreur de l’engager et Dado Prso lui passe devant.

La chevelure dorée de l’attaquant se ternit de plus en plus. Peu adroit devant le but, et le plus souvent fantomatique, Eloi finit par s’attirer les foudres du stade Louis-II. Sur l’une de ses rares titularisations, contre Sedan en novembre 1999, l’attaquant est copieusement sifflé à sa sortie du terrain, après une nouvelle prestation médiocre. Très peu utilisé par Puel, Eloi va jouer 15 rencontres et inscrire un but. Mais il pourra néanmoins se targuer d’un second titre de champion de France, après celui acquis avec Lens. L’aventure d’Eloi avec l’ASM ne s’arrête pourtant pas. Loin d’être une option prioritaire pour Claude Puel, Eloi va disputer dix rencontres lors de la saison 2000-2001. L’avant-centre est surtout victime d’une blessure au genou, qui le rend indisponible une grande partie de la saison. Puis arrive Didier Deschamps, qui ne lui donne que quelques miettes, avant de le laisser en marge du groupe. Une dizaine de matchs là encore lors de l’exercice 2001-2002, pour une saison globalement catastrophique à tous les niveaux.

En février 2001, Eloi est à l’essai à Derby County, qui évolue en première division anglaise, puis à Southampton. En août 2001, la presse française croit même savoir qu’il pourrait servir de monnaie d’échange avec Nicolas Bonnal pour que l’ASM puisse obtenir la signature de l’attaquant de Galatasaray, Mario Jardel, qui ne viendra jamais. Les contacts avec le club turc existent bien pourtant, et Eloi y fera même un essai, non concluant. En mal de temps de jeu et écarté du groupe, Wagneau Eloi demande à être prêté à Lens en janvier 2002 et refuse Guingamp. L’ASM ne lui donnera pas satisfaction. Il sera finalement prêté l’été suivant… à Guingamp, pour sa dernière année de contrat. L’attaquant veut rattraper le temps perdu : «Je suis revanchard, oui. Mais revanchard envers moi-même car je n’ai pas à avoir de rancœur envers le club ni les gens de Monaco. J’ai besoin de me prouver que je peux à nouveau me faire mal et aller jusqu’au bout de mes forces. De me faire violence quoi. Car à Monaco on vit dans une cage dorée et on accepte plus facilement de ne pas jouer.»

À la fin de son prêt, il sera finalement laissé libre par l’ASM, non sans une dernière histoire. Le club de la Principauté, en grande difficulté sur le plan financier, ne lui verse pas le salaire qu’il lui doit. Guingamp prend en charge 30% du salaire d’Eloi, ce qui représente environ 70.000 euros, et Monaco les 70% restant, versés en trois échéances (fin octobre, fin décembre et fin mars). Malgré plusieurs tentatives pour régler le problème à l’amiable, les deux premières échéances ne sont pas versées. Eloi décide d’attaquer le club devant les prud’hommes pour le non-paiement de ses indemnités. Symbole d’un club qui commence à placer ses pions de façon hasardeuse au début du XXIe siècle, l’histoire d’Eloi en Principauté aura été, de bout en bout, un échec cuisant.

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