Grand espoir de l’AS Monaco au début des années 2000, Sébastien Carole a eu la chance de disputer quelques matchs avec son club formateur sans toutefois pouvoir s’y imposer. Dans un entretien réalisé par Les Anciens du Rocher et publié en exclusivité sur La Diagonale, l’ancien milieu de terrain revient sur sa carrière et son parcours monégasque.
Si tu devais retenir une chose de ton aventure en rouge et blanc, qu’est-ce que ça serait ?
Mon plus beau souvenir, il y en a plein… Celui dont je me souviendrai toujours, c’est mon premier but en Ligue 1, contre Nantes (lors de la saison 2001-2002, défaite 1-2, ndlr) sur un corner de Jérôme (Rothen), je crois. C’est Shaba (Nonda) qui me dit : « Ne va pas prendre le corner, reste à la retombée » et il a bien fait de me donner ce conseil puisque je marque d’une demi-volée du pied gauche, puis je fais un petit signe à ma femme dans les tribunes. Ça restera un excellent souvenir, je me souviens de Rafa Marquez qui me prend dans ses bras. Les joueurs auront souvent tendance à parler de leur première apparition. Pour moi, c’est le premier but qui est un peu spécial. J’ai « kiffé » le moment. En plus c’était au stade Louis-II donc que du bonheur devant les fans !
Tu as joué 17 minutes lors de la campagne de Ligue des champions 2003-2004. C’était lors de Monaco-AEK Athènes pour le dernier match de poule. À ce moment-là, tu t’attendais à ce que l’équipe fasse ce parcours ?
C’est une très bonne question. Cette saison-là, j’étais jeune. J’ai eu la chance de faire partie d’un groupe extraordinaire et d’avoir pu m’entraîner tous les jours avec ces gars-là. Avoir eu la chance de jouer, certes, que 17 minutes et avoir fait quelques bancs lors de cette campagne exceptionnelle, c’est tout à mon honneur. Je ne faisais que profiter. Après, on va être honnête et franchement, si tu parles à n’importe lequel d’entre nous, en passant par le cap’ Ludo, personne ne s’attend à ce qu’on fasse un truc comme ça. On prenait les matchs les uns après les autres et sur la deuxième partie de saison, je « kiffais » les regarder.
Tu regrettes d’être parti en cours de saison ?
Un peu, malheureusement, parce que partir en prêt à West Ham, ce n’était pas une décision réfléchie et ça s’est fait un peu à la va-vite. Le plus gros regret, c’est quand malheureusement Ludo Giuly se blesse. Comme j’étais sa doublure, j’aurais pu prendre part à beaucoup plus de matchs qu’à West Ham. Donc en effet, gros regret car ça a été un truc exceptionnel que je n’ai pas pu vivre jusqu’à la fin. Mais content pour le groupe qui méritait entièrement ce parcours et dégoûté quand ils ont perdu en finale. Puisque je suppose que j’aurais été considéré vainqueur de la Ligue des Champions malgré tout puisque j’y ai participé (rire). Mais ça ne reste que du bonheur. Personne n’y croyait en début de saison, pas même nous.
Tu as finalement très peu joué avec l’AS Monaco…
C’est relatif. Les gens vont penser que je n’ai pas fait longtemps à Monaco car j’ai signé pro trois ans, et la plupart du temps je l’ai passé en prêt, à West Ham et à Châteauroux. Mais mine de rien j’ai quand même fait tout mon centre de formation, donc je suis resté 10 ans au total à Monaco. Pour moi c’est ma famille, ma maison. Quand j’y retourne, je suis toujours le bienvenu, il y a toujours Frédéric Barilaro, qui était mon formateur à l’époque. Je garde d’excellents souvenirs de mon passage en centre et en tant que professionnel même si c’était de courte durée. Vraiment, j’aime revenir dès que je peux rendre visite aux connaissances qui sont encore ici. Je fais même parfois visiter à mon fils qui joue en Angleterre, ça lui fait un petit « kiff ».
Avec le recul, je me dis que si je l’avais écouté un peu plus, j’aurais fait une bien meilleure carrière
Sébastien Carole, à propos de Didier Deschamps
Quelles étaient tes relations avec Didier Deschamps ?
Didier Deschamps m’a lancé officiellement, même si Claude Puel m’a fait connaître des débuts en amicaux avec les pros. Mais c’est Didier qui m’a lancé. Il appréciait le joueur que j’étais, les qualités que j’avais. C’était réciproque, c’est vraiment un entraîneur que j’ai adoré. Aujourd’hui, avec le recul et le fait que je me sois assagi, je me dis que si je l’avais écouté un peu plus, pas grand-chose, peut-être juste 10%, j’aurais fait une bien meilleure carrière. Même si j’apprécie tout ce que j’ai fait, je pense qu’en écoutant ses conseils à l’époque, j’aurais fait bien mieux que ça.
Tu pensais qu’il ferait cette carrière en tant que coach ?
Si je pensais qu’il aurait fait cette carrière… Pour moi ça ne fait aucun doute. N’importe qui ayant connu Didier Deschamps comme entraîneur pourra vous le dire. C’était un jeune entraîneur quand il est arrivé à Monaco, mais même moi avec mon jeune âge, je pouvais voir le potentiel énorme, la pédagogie qu’il a, l’approche qu’il a par rapport au jeu, la passion du football… C’est un monsieur qui vit le football. Donc pas du tout surpris de sa carrière. Fier de lui, même si je pense qu’il se fout un peu de mon avis (rires).
C’est énorme ce qu’ils ont fait depuis leur arrivée. Et le constat il est là et il est clair. Ils font du bon travail.
À propos de la reprise du club par Dmitry Rybolovlev
Quel regard portes-tu sur l’arrivée des Russes à Monaco ?
Pour être honnête, je n’ai pas de réelle opinion sur le sujet. Je ne me préoccupe pas de ce qui est background des clubs de manière générale, surtout au niveau de l’état de propriété d’un club. Pour ou contre, on n’a pas à l’être. Mais je pense que ça a permis d’apporter des nouvelles perspectives au club, et surtout une philosophie, à savoir : récupérer des joueurs bon marché à la base d’un scouting excellent, former des joueurs et vendre à un prix élevé. C’est énorme ce qu’ils ont fait depuis leur arrivée. Et le constat il est là et il est clair. Ils font du bon travail.
Comment décrirais-tu l’AS Monaco d’aujourd’hui ?
Monaco n’est pas forcément un club fait pour rebondir, mais plutôt un club où tu peux te montrer et montrer tes qualités. Je pense que c’est l’endroit parfait pour un joueur avec un gros potentiel qui peut s’éclater dans un club où il n’y a pas forcément la même pression qu’ailleurs. En étant sur le Rocher, tu peux t’épanouir tranquillement. Je pense que les Russes ont permis d’accentuer ça avec l’ambition d’aller repérer des jeunes talentueux pour ensuite revendre à des grosses écuries. Les joueurs y gagnent aussi car ils passent par Monaco qui est un excellent et un grand club en France. C’est un win-win comme on dit. Mais je n’ai pas d’avis tranché sur l’arrivée des Russes à Monaco, franchement, je m’en fous. Je suis content qu’ils aient pu apporter ce que Monaco a aujourd’hui.
Tu as fait l’essentiel de ta carrière en Angleterre, c’était une volonté de ta part ?
L’Angleterre a toujours (il insiste) été une destination que je kiffais et un des championnats dans lequel je voulais jouer. Alors certes, à l’époque, c’était la Premier League que je visais. Je suis arrivé en Angleterre par une plus petite porte. Ça s’est fait de fil en aiguille, tout est parti de mon prêt raté à West Ham où je me dis que je ne remettrais jamais plus les pieds en Angleterre. Puis je vois comment ça se passe à Châteauroux et je me dis que finalement, l’Angleterre c’est pas si mal que ça.
Qu’est-ce qu’il se passe à Châteauroux ?
Quand vous avez un Zvunka comme entraîneur à Châteauroux qui n’aime pas le jeu ni le football, vous avez vite compris. Quand à 20 ans il te dégoûte presque du football… Évidemment, je retourne à Monaco où on me dit que si j’ai une possibilité de départ, je peux y aller, qu’on ne me mettrait pas de bâton dans les roues. C’était cool de la part du club.
Le football ici, ce n’est pas une tradition, c’est une religion.
À propos du football anglais
Tu rejoins donc Brighton, en Angleterre. Comment ça s’est passé ?
L’opportunité de rejoindre un petit club de seconde division s’est présentée, je l’ai saisie en me disant que j’avais confiance en mes qualités, donc j’ai signé à Brighton, que personne ne connaissait. J’y ai fait une excellente saison, j’ai adoré. Les fans appréciaient mon football. Il y avait une grosse communauté, une fanbase de taré ! Je pensais que c’était le tremplin pour rejoindre la Premier League, notamment la saison suivante en signant à Leeds United. Ça ne s’est pas passé comme prévu, mais ce sont les aléas du football. C’est comme ça, on pense aller à un endroit et on va autre part. Je voulais évoluer en Angleterre, mais à haut niveau, pas forcément dans les divisions inférieures que j’ai connues par la suite.
On sait que les supporters Anglais sont passionnés…
Le football ici, ce n’est pas une tradition, c’est une religion. Ici, c’est incroyable l’engouement. Tu peux te présenter dans un match de 5e division où le stade fait 10.000 places avec autant de fans. Il y aura peut-être même 2.000 debout en dehors du stade à suivre l’évolution du score. C’est juste dingue.
Tu as une anecdote à ce sujet ?
J’ai quitté Leeds en 2008, et je crois qu’en 2012 ou 2013, donc quatre-cinq ans plus tard, des gens pensaient que j’étais blessé et se demandaient quand est-ce que j’allais revenir sur le terrain parce qu’on avait besoin de moi. Honnêtement, tu passes par un club et les gens te reconnaissent à vie. J’habite toujours dans les alentours de Leeds et parfois les gens me reconnaissent et m’arrêtent pour prendre de mes nouvelles. C’est toujours sympa que des gens se souviennent de toi 12 ans après ton passage. C’est appréciable, on ne va pas se mentir. Je ne suis pas sûr qu’on se souvienne de moi à Monaco par exemple (rires).
Tu aurais aimé découvrir d’autres pays ?
Je pense que mon jeu était peut-être plus adapté à l’Espagne. J’étais un joueur très technique, qui aimait le jeu à base de passes courtes. Un peu dans le style du Barcelone de Pep (Guardiola), (Frank) Rijkaard ou de (Johan) Cruyff. Mon jeu était basé sur ça. J’étais assez doué techniquement et j’appréciais ce jeu-là. En Angleterre, c’est le kick and rush, tout va à deux mille à l’heure, c’est un tempo de taré, ça ne s’arrête jamais. Moi, j’aime prendre mon temps, regarder les choses, analyser, et progresser intelligemment sur le terrain pour aller marquer un but. Donc peut-être que le jeu espagnol aurait pu être intéressant pour moi.
Et aujourd’hui, qu’est-ce que tu fais ?
Je suis toujours un peu dans le football. J’ai essayé de m’occuper de joueurs, mais le milieu du foot est tellement détestable que j’ai pris du recul juste avant le Covid. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais les coulisses d’un transfert ne me plaisent pas forcément. On arrive à un niveau, ou c’est surtout qui tu connais, avec un peu de corruption « gentille ». Je ne blâme personne. Mais j’ai pris du recul sur tout ça et je marche à l’opportunité. J’ai beaucoup de contacts en Angleterre, les gens qui veulent bosser avec moi ont mon numéro. S’ils ont besoin d’assistance dans un dossier, je suis ravi de le faire…Contre rémunération (rires) ! Mais mon travail aujourd’hui, celui qui paye les factures et qui me permet de m’épanouir en dehors du football, c’est chef des opérations pour une compagnie dans le transport privé. Ça se passe très bien, c’est une grosse boite internationale, mon poste est super intéressant. J’aime faire autre chose que du football, même si je serai toujours impliqué car ça reste ma passion. Comme je l’ai dit plus tôt, mon fils vient de signer pro à Leeds United où j’espère qu’il pourra faire ce que je n’ai pas pu accomplir. Je le suis de très près. Il prend beaucoup de mon temps, je le suis partout, je regarde tous ses matchs et je le conseille pour qu’il puisse avoir la carrière qu’il mérite.
sébastien carole avec l’as monaco
12 matchs – 1 but
Premier match en pro : Olympique Lyonnais 1-0 Monaco (le 6 mars 2002)
Premier but : Monaco 1-2 Nantes (le 16 mars 2002)
Prêts à West Ham (janvier 2004-juin 2004) et à Châteauroux (2004-2005)
Départ libre à Brighton & Hove Albion (juillet 2005)