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Ben Seghir, un joyau à polir

« Lui, c’est un futur grand », Lui, c’est Eliesse Ben Seghir, et la confession nous est venue de Frédéric Ménini, l’entraîneur de l’équipe R1 de l’AS Monaco quelques jours avant Noël. Même s’il est encore trop tôt pour prédire ce que sera la carrière du natif de Saint-Tropez, force est de constater qu’il semble décidé à entrer dans la danse de manière précoce. Mercredi, contre Auxerre, Eliesse Ben Seghir est devenu le plus jeune auteur d’un doublé pour ses débuts en Ligue 1 sur les 75 dernières saisons, à 17 ans et 10 mois et le deuxième plus jeune à marquer un doublé pour Monaco dans l’élite derrière Thierry Henry (17 ans et 8 mois). Ce qui a permis au club de la Principauté de venir à bout de son adversaire, ni plus ni moins.

Pour qui suit les équipes de jeunes et notamment les U19 de Frédéric Barilaro la saison passée, la talent de Ben Seghir ne surprendra personne. Portée par une génération pleine de promesses, l’équipe de Frédéric Barilaro avait atteint la saison dernière la finale du Championnat national U19, en écartant notamment le PSG (4-2). Les Monégasques s’étaient cependant inclinés contre Nantes (3-2), réduits à dix après seulement cinq minutes de jeu et l’exclusion du défenseur central Enzo Couto. Ceux qui voulaient voir Ben Seghir en action n’en auront pas l’occasion. L’ailier gauche est sacrifié au bout de dix minutes afin de faire entrer un défenseur.

Une grosse perte pour le collectif asémiste, qui ne pouvait plus compter sur le côté imprévisible de Ben Seghir : « C’est un créatif. Il sait marquer des buts, faire la dernière passe, confiait son formateur Frédéric Barilaro à Nice-Matin avant cette finale contre Nantes en juin dernier. Il a de la spontanéité dans son jeu, fait des différences. Avec Edan Diop, ce sont des garçons à maturité tardive, qui ont grandi vite d’un coup. » Passé par le SC Cogolinois et l’Étoile Fréjus-Saint-Raphaël, il a intégré l’Academy de l’ASM à l’été 2020. Avec la sélection nationale, il a été repéré un peu sur le tard. Il ne compte que deux capes en U17 mais commence à s’installer avec la sélection U18, pour laquelle il a déjà disputé cinq rencontres.

Ben Seghir n’a surpris personne

Cette saison, le programme d’Eliesse Ben Seghir est devenu un peu particulier : un bout de préparation avec les professionnels pendant l’été et deux rencontres face au FC Porto, deux matchs en U19, des matchs amicaux ou de Premier League International Cup, notamment lors de la victoire à Old Trafford contre Manchester United (1-2) avec le Groupe Élite. Mais surtout, quelques minutes en Ligue Europa contre l’Étoile Rouge Belgrade le 3 novembre, ses premières en tant que professionnel. On a également pu le revoir à l’occasion des quatre matchs amicaux organisés en décembre, où il semble avoir convaincu Philippe Clement de le prendre dans le groupe de façon régulière.

S’il s’entraîne avec le groupe pro depuis de nombreuses semaines, sa performance contre Auxerre ne semble avoir étonné personne, à commencer par son entraîneur : « Ce n’est pas une surprise pour moi. Je n’avais pas de boule de cristal mais j’ai vu qu’il pouvait aider l’équipe avec ses qualités. » Malang Sarr n’était pas non plus étonné, pour le côtoyer à l’entraînement : « Je ne suis absolument pas surpris. C’est un joueur qui n’a pas peur d’essayer et qui prend ses responsabilités. À cet âge-là, c’est quand même fort ! Nous sommes très heureux d’avoir un jeune comme ça parce qu’avec le talent qu’il a, il peut nous sortir de situations difficiles comme ce soir. »

En 45 minutes contre Auxerre, Ben Seghir a touché 34 ballons et n’en a perdu que deux. Mais il a fait plus que simplement attendre d’avoir le ballon dans les pieds, avec quatre duels remportés et quatre tacles tentés. Il a aussi eu une grosse occasion avant d’être bien repris par un défenseur Auxerrois. Mais il a surtout (avec Golovin), apporté de la fluidité dans le jeu et dans l’animation qui en manquait cruellement en première période avec un Ben Yedder en dedans et un Minamino au ralenti, tout en étant capable de se glisser entre les lignes et jouer dans les petits espaces : « Il pue le football et nous sommes vraiment contents pour lui, disait Ruben Aguilar après le match. Nous allons tout faire pour qu’il continue à jouer son meilleur football. »

Clement veut le protéger

C’est désormais à cela que l’AS Monaco doit s’employer, et notamment son entraîneur Philippe Clement. Ben Seghir est devenu la nouvelle attraction du club de la Principauté mais il n’a que 17 ans. Il sera nécessaire de le protéger plus que de le gérer : « Bien sûr qu’on doit y réfléchir. C’est encore un jeune joueur. Son gabarit montre qu’il n’est pas à 100 %. On doit regarder ça, regarder ce qu’il peut faire ou non », disait Clement en conférence de presse avant Brest. Si l’aspect physique est essentiel à un si jeune âge, il ne faudrait pas non plus négliger la gestion émotionnelle d’une telle performance si tôt, même si l’insouciance de la jeunesse peut faire passer bien des choses.

Le poids et l’attention médiatiques risquent d’augmenter au fil des semaines et l’ASM a déjà choisi de lui épargner les contraintes autant que possible : « Nous avons parlé ces dernières semaines et je vais le protéger. C’est nécessaire. Ce n’est pas la première fois que je donne sa chance à de jeunes joueurs et qu’il faut gérer. Tu reçois beaucoup plus d’attention notamment des médias, et il ne donnera pas d’interviews dans les prochaines semaines car je veux qu’il se concentre sur le foot et qu’il confirme. »

Mais l’entourage, les nouvelles sollicitations et les gens intéressés gravitent massivement autour du football. Contre cela, il est plus difficile de dresser une ligne de défense : « On le sait, il y a des agents, des nouveaux amis, des nouvelles copines. Toutes ces choses on en a parlé, poursuivait Philippe Clement. Eliesse a une très grande envie de réussir, c’est un gagnant. Il y a des obstacles sur la route pour devenir un grand joueur et il le comprend bien. C’est aussi mon rôle en tant qu’entraîneur, mais aussi comme un deuxième père pour les joueurs. Et dire ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. On veut préparer les joueurs sur ces choses. »

La réussite d’un nouveau modèle ?

Pour expliquer le début d’éclosion du jeune Ben Seghir, l’ASM défend notamment son modèle de formation bien particulier et qui a été chamboulé cet été avec la création du Groupe Élite, entraîné par Damien Perrinelle. Un groupe en bout de chaîne qui permet de faire la passerelle entre les équipes jeunes et le groupe pro, comme l’exemple de Ben Seghir l’illustre parfaitement : « On s’est demandé comment optimiser la dernière étape avant l’intégration dans le monde pro », a expliqué Pascal de Maesschalck, le directeur du développement des jeunes joueurs au quotidien L’Équipe, jugeant désormais superflu l’apport des championnats de N2 et de N3 pour leurs joueurs.

Il a donc fallu sortir l’équipe réserve des championnats fédéraux pour pouvoir créer ce Groupe Élite : « Je tiens à préciser que l’ASM n’est pas contre les championnats en France, c’est ce que nous avons dit à la Fédération, a commencé par dire Philippe Clement cette semaine. Jouer en N2, ce n’était pas trop bon pour la formation des jeunes, car cela manque de variété. Tu joues contre des équipes très organisées, moins techniques mais plus costaudes et plus expérimentées. Et surtout avec un calendrier qui est imposé. »

On comprend donc que sortir du quotidien d’un championnat amateur était vital pour gérer de façon totalement autonome la dernière étape de la formation des jeunes joueurs. Pouvoir choisir ses adversaires, son agenda, ménager des périodes plus intenses et plus relâchées et surtout se donner le temps : « Nous avons plus de temps pour travailler certaines choses avec eux, a poursuivi le coach Flamand. Ils jouent le même total de matchs mais de temps en temps, ils sont concentrés sur une même période et parfois il y a plus de temps pour s’entraîner et travailler les choses autour des matchs comme le travail mental, la scolarité, etc… »

Et d’insister aussi sur la richesse des expériences, avec la confrontation d’autres cultures : « Tout est beaucoup plus individualisé. On peut donner des expériences variées. Ils ont joué des matchs contre des grandes équipes de leur âge, d’autres plus âgées qui jouent en amateurs, avec moi contre des équipes comme Empoli, Leeds, Séville, etc… Ce sont des expériences qu’on peut donner maintenant, et qu’on ne pouvait pas leur donner quand ils étaient dans un championnat. » À l’ASM donc de montrer qu’elle a fait le bon choix.

Photo : AS Monaco

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