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Philippe Clement, AN I

Arrivé en janvier sur la pointe des pieds pour remplacer Niko Kovac, Philippe Clement a achevé sa première demi-saison à l’ASM avec brio, malgré un dernier accroc face à Lens, lors de la 38e journée de Ligue 1 2021-2022. Un match nul qui condamne Monaco à repasser par un tour préliminaire et un barrage pour retrouver la Ligue des Champions. Mais cette fois, l’ASM veut apprendre de ses erreurs et franchir un cap avec un entraîneur qui semble mieux épouser la nouvelle philosophie du club.

L’ombre de Kovac

Succéder à Niko Kovac était loin d’être une sinécure. Il faut dire qu’en peu de temps, le technicien croate avait séduit bon nombre de supporters. Des débuts tâtonnants avant une série impressionnante en 2021 qui a conduit le club sur le podium de la Ligue 1 et en finale de Coupe de France. Aussi, l’ancien entraîneur du Bayern Munich venait de redresser la barre de façon spectaculaire après deux saisons et demie erratiques avec Leonardo Jardim, Thierry Henry et Robert Moreno, ce qui a renforcé le sentiment favorable à son égard. À cela, il faut ajouter une forte présence charismatique et le Croate a rapidement fait l’unanimité sur le Rocher. Mais Kovac n’a pas réussi à maintenir la dynamique avec les conséquences que l’on sait. Alors que son 3-5-2 était salué de tous entre janvier et mai, sa gestion et ses choix ont laissé perplexes lorsque la saison nouvelle est venue.

Monaco, et Paul Mitchell en tête, ont préféré prendre le taureau par les cornes et se séparer de Kovac, alors que la rupture entre les deux hommes était consommée. Pour trouver son remplaçant, l’équipe de Mitchell a agi vite et son choix s’est rapidement porté sur Philippe Clement, alors entraîneur du Club Bruges. Le coach Belge reste sur trois titres dans son championnat domestique mais c’est principalement grâce à une performance face au PSG en Ligue des Champions qu’il a été remarqué par le grand public. Mitchell, en tous cas, est convaincu de tenir un «serial winner» et un entraîneur qui pourra atteindre les objectifs fixés par le club.

Philippe Clement arrive dans un contexte compliqué. Certes, l’équipe reste sur trois succès de rang, mais la reprise se fait dans un climat d’incompréhension. Et surtout, Philippe Clement fait face à une ribambelle de joueurs infectés par le Covid, avant de perdre Boadu et Badiashile pour de longues semaines au cours de sa première sur le banc contre Nantes en Ligue 1. Le technicien belge comprend la nécessité d’une remise à niveau physique, ce qui avait fait la différence lors de la seconde moitié de la saison précédente. Il va tenter quelques paris comme le positionnement de Caio Henrique en meneur de jeu contre Nantes mais surtout essayer d’augmenter la force de frappe offensive de son équipe. Privé de Fofana, touché par le Covid et amoindri physiquement, Clement va en profiter pour tester Tchouaméni en sentinelle devant la défense. Et lors des deux premières sorties contre Clermont et Montpellier, le futur madrilène va remplir à merveille son rôle. Principale critique, le positionnement en attaquant de soutien de Kevin Volland qui se retrouve souvent trop bas dans le cœur du jeu et pas suffisamment proche du but.

Sur la sellette

Sur ses six premiers matchs dirigés, le bilan de Clement est positif, avec quatre succès, dont deux en Coupe de France et surtout un match de haute volée contre Lyon le 5 février (2-0), lors de la 23e journée de Ligue 1. L’équipe du technicien belge surfe sur une belle forme et semble ragaillardie mais le mois de février ne sera pas dans la même veine. Sur les trois rencontres suivantes de championnat, l’ASM n’empochera que deux points sur neuf face à des équipes de bas de classement. Face à Lorient, l’ASM a contrôlé la rencontre tout du long mais les occasions ont été peu nombreuses alors que contre Bordeaux, elle s’est fait bousculer. Et contre Reims, les Asémistes se sont inclinés dans leur fief après avoir mené au score. Plutôt gênant, et pas idéal en vue d’un mois de mars charnière avec les échéances les plus importantes.

L’entraîneur de Nantes, Antoine Kombouaré, avait dressé le portrait-robot de cette ASM version Philippe Clement juste avant de l’affronter en demi-finale de la Coupe de France : «Actuellement on est sur une base de 4-3-3 avec Tchouaméni en pointe basse et deux milieux devant. Il met aussi Volland au cœur du milieu. C’est une équipe forte physiquement et techniquement qui attaque avec cinq joueurs le plus souvent.» Le Kanak ne s’était toutefois pas privé d’envoyer une petite pique en affirmant que les résultats était moins bons qu’avec Kovac. On ne pouvait pas, dans tous les cas, affirmer qu’ils étaient meilleurs, après cette série de trois matchs sans succès qui voyait Monaco faire du surplace en championnat. La pertinence d’un tel changement pouvait être réellement remise en question et le mois de mars ne va pas vraiment l’infirmer. La seule éclaircie résidera dans le succès étriqué à Marseille, insuffisant toutefois pour atténuer l’amertume d’un mois raté dans les grandes largeurs.

Monaco va sortir perdant des tirs-aux-buts contre Nantes, le futur vainqueur de l’épreuve. Un échec marqué, comme un symbole, par les tentatives ratées des deux meilleurs joueurs de l’équipe, Ben Yedder et Tchouaméni. Si Monaco ne faisait pas figure de favori par rapport à Nice qui tenait encore une bonne forme, la possibilité de remporter un trophée venait de s’envoler alors que le chemin s’était dégagé avec l’élimination du PSG. Pour Clement, une séance de tirs aux buts c’est une loterie. Cette déclaration, un peu à l’emporte-pièce, a le don d’agacer. C’est pourtant un marqueur de sa personnalité. Le Belge encaisse tout, accepte de jouer les paratonnerres pour protéger ses joueurs. Il faudra attendre la défaite contre Strasbourg à la mi-mars pour le voir publiquement s’agacer du manque d’implication montré par son groupe. En Ligue Europa, le parcours sera aussi de courte durée. L’ASM est éliminée par Braga en huitièmes de finale alors que la différence entre les deux équipes sur le papier ne saute pas aux yeux. Le traducteur portugais présent au stade Louis-II pour le match retour lâchait un tweet – supprimé depuis – dans lequel il rapportait un Paul Mitchell complètement furibard dans les vestiaires et une prise de bec musclée avec Philippe Clement.

Lors de la conférence de presse d’avant-match contre le PSG, Clement semble sonné, abattu et comme résigné. On pense qu’il ne fera pas de vieux os en Principauté et son langage corporel en cet instant semble indiquer la même chose. On se dit qu’il n’était pas l’homme de la situation et que l’ASM va connaître une nouvelle période d’instabilité.L’Équipe, qui avait révélé en premier le limogeage de son prédécesseur, lâche une véritable bombe la veille du match. Dmitry Rybolovlev serait excédé des mauvais résultats et veut faire place nette. Petrov, Mitchell et Clement sont dans son viseur et il se dit que même en cas de succès contre Paris, l’entraîneur belge pourrait être débarqué pendant la prochaine trêve. L’ASM dément fermement les informations viaRMC Sport. Le quotidien avait-il raison ? On ne le saura sans doute jamais, puisque Clement va inverser la tendance de façon remarquable, renvoyant les informations du journal au rang des rumeurs.

La remontada

Monaco inflige une claque au PSG le lendemain. Le succès fait du bien au moral mais pas grand monde n’est dupe. Le visage affiché par les Parisiens était à des années-lumière de leur meilleur niveau. Clement ne veut pas parler de déclic. Il estime que ce succès n’est que la conséquence d’un travail de fond depuis qu’il a repris le groupe, notamment sur le plan physique. Les précédentes contre-performances étaient surtout le résultat de beaucoup de malchance et d’un manque de confiance. Évoquer ce match comme un déclic semble être une réponse un peu facile, même si plusieurs joueurs parleront bien d’un avant/après cette confrontation en fin de saison. Le retour à un match par semaine a permis aussi de retrouver des repères et de mieux s’entraîner pour acquérir les nouveaux principes de jeu.

La suite, on la connaît. Une série de dix rencontres sans défaite, dont neuf succès de rang. Une série rare dans l’histoire de l’ASM et même dans le football français. Physiquement l’ASM est désormais capable d’enfoncer le clou à n’importe quel moment, et surtout à la fin. «C’est agréable d’entendre de nos propres joueurs qu’ils peuvent encore courir à la 90e minute et de l’opposition que nous n’arrêtons jamais», déclarait James Bunce récemment. À ces progrès sur le plan physique se sont également ajoutés les automatismes. Une meilleure connaissance des circuits préférentiels au sein d’un onze qui n’a que très peu bougé d’une rencontre à l’autre.

Mais outre l’animation offensive, cette série a également vu le retour de la doublette Tchouaméni-Fofana au milieu de terrain et un retour en forme du second qui a pu prendre le relais lorsque le premier avait des moments de creux. Clement a également pu éprouver une solidité toute nouvelle de la charnière centrale avec les progressions de Disasi et Badiashile. Plus que pour son aspect offensif, c’est sur le plan de la cohésion et de l’efficacité défensive que l’on a pu constater une réelle avancée la saison dernière.

L’entraîneur idoine

Lorsque Philippe Clement est arrivé au club, Oleg Petrov déclarait qu’il était désormais la personne «idoine» pour Monaco. Les reproches faits à Kovac au moment de son limogeage ne semblent pas s’appliquer à l’entraîneur en place. On a pu lire dans L’Équipe, que Kovac semblait moins investi et qu’il passait moins de temps qu’auparavant dans le nouveau Centre de performance de La Turbie. Il arrive au Belge d’en partir à la nuit tombée. Il se dit que le caractère colérique et explosif de Kovac a fini par user les joueurs. Celui plus souple de Clement redonnera du liant au groupe. Kovac est loin des objectifs sportifs et a du mal à gagner contre les équipes en haut du classement. L’ancien coach de Bruges va corriger le tir. Mais surtout, il se murmure que le Croate ne parvient pas à s’entendre avec les anglophones de la cellule de performance, en particulier James Bunce, le Directeur de la performance. N’en jetez plus, la cour est pleine.

Clement apparaît comme la dernière brique d’un système mis en place par Paul Mitchell et son équipe, qui a revu le fonctionnement du club dans le secteur sportif de fond en comble. La cellule de performance que dirige James Bunce travaille sur les datas et vise à optimiser toutes les composantes à la performance athlétique des joueurs dans un contexte précis. «Le travail sous Niko Kovac ici a été vraiment important pour changer notre culture et notre philosophie de travail. Il était vraiment doué pour élever le niveau physique de base sur lequel nous avons pu nous appuyer», révélait James Bunce dans une interview surmonacolife.net*. Avec ce sous-entendu que pour la méthode, il ne convenait plus vraiment et n’était plus tout à fait le profil indiqué pour achever la mue de l’ASM.

Dans cette même interview, Bunce s’est montré particulièrement dithyrambique avec le coach actuel : «C’est un esprit logique. Il regarde tous les détails et il est très ouvert à la collaboration. C’est un ingénieur de formation. (…) Il sait faire les bons choix et mettre en place un processus pour atteindre un objectif et cela correspond parfaitement à la façon dont il faut penser l’entraînement. Il est vraiment le meilleur entraîneur que j’ai vu pour essayer de construire ces blocs sur un parcours individuel, car tout le monde ne peut pas suivre le même entraînement.» Avec pour conséquence des données physiques qui vont tutoyer les sommets du football européen. L’ASM affiche un volume de jeu et une capacité à répéter les efforts qui peut faire plier ses adversaires.

Le plus dur commence

Arriver en cours de saison n’est jamais simple pour un entraîneur, qui se retrouve à la tête d’un groupe qu’il n’a pas choisi et qu’il ne connaît pas, sans parler des spécificités d’un championnat qu’il lui arrive de découvrir. Il doit pouvoir être capable d’en extraire la quintessence en un temps record et essayer de trouver le déclic pour relancer la machine. Clement a réussi cela dans un premier temps et la plus grande verticalité de son jeu a pu déstabiliser plusieurs formations qui n’avaient pas encore suffisamment d’éléments à analyser pour le contrer. Puis les blocs bas de Ligue 1 se sont adaptés, les failles sont apparues avec la vilaine série que l’on connaît et Clement a mis du temps à trouver les solutions. Mais cette fois, il n’est plus en terrain inconnu. Les bases sont posées, et les six premiers mois lui ont permis de prendre la main sur son groupe. Il peut valider les recrues et les retouches apportées à son groupe. Il a eu plus d’un mois et demi pour travailler pleinement, avec huit rencontres amicales pour peaufiner les automatismes et procéder à la montée en régime de son collectif. Pour lui aussi, c’est donc un nouveau départ.

À quelques jours du début officiel de cette nouvelle saison 2022-2023, Philippe Clement se retrouve aujourd’hui dans une situation quasi identique à celle de Niko Kovac l’an passé. Mais il doit impérativement réussir là où le Croate a échoué. Publiquement, les objectifs annoncés sont pour ainsi dire « flous ». Mitchell veut «faire mieux» que la saison dernière. Entre les lignes, on peut raisonnablement penser que l’ASM a tout intérêt à valider enfin ce ticket pour la compétition aux étoiles et challenger un peu plus le PSG en championnat. Mais surtout, on attend de voir l’équipe de la Principauté débuter sur la même dynamique. Un autre faux-départ serait un mauvais signal envoyé. On pourra bien sûr se demander si le club a mis tout en œuvre pour lui donner les éléments d’y parvenir, notamment pour ce qui concerne le recrutement d’un remplaçant à Tchouaméni, pour ramener plus de densité dans l’entrejeu. Car, plus que le simple cas de Philippe Clement, c’est toute une stratégie sportive qui va désormais être mise à l’épreuve.

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