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Marco Simone, le solitaire

*Au début, il charme tout son monde et à la fin, il n’en finit plus d’agacer. Avec Marco Simone, le schéma est rodé. De Milan à Monaco, en passant par Paris, il se répétera, finissant toujours mal ses aventures, non sans avoir faire chavirer les supporters auparavant. Portrait d’un Italien à la langue un peu trop pendue.*

Le petit Marco

C’est à 20 ans seulement que Simone débute son aventure au Milan AC, après avoir fait ses premières armes à Côme et à Boccaleone. En 1989, le natif de Castellanza débarque dans la capitale lombarde et dans un club qui vient tout juste de remporter la troisième Ligue des champions de son histoire. Sous les ordres d’Arrigo Sacchi, Simone va remporter la coupe aux grandes oreilles à son tour, l’année de son arrivée. Pourtant, l’attaquant italien n’est qu’un remplaçant dans la formation lombarde, qui jouit d’un effectif quasiment sans égal en Europe. Dans l’ombre de Marco van Basten, son surnom est déjà tout trouvé : «il piccolo Marco» (le petit Marc). «Je marquais des buts importants mais je ne jouais pas tous les matchs», regrette-t-il. C’est à partir de 1995 qu’il s’installera réellement dans le onze, adoubé par le maître néerlandais : «Le futur s’appelle Marco Simone» avait dit van Basten. Au final, il quittera Milan avec 246 matchs au compteur et 74 buts inscrits.

Non sans s’être déjà fait remarquer après un premier épanchement dans les médias. Lors de la Coupe intercontinentale, il s’en prend publiquement à Fabio Capello, qui ne le fait pas jouer : «J’étais sûr de jouer. J’attendais de jouer une finale depuis si longtemps. Je me suis senti lâché et j’ai explosé», expliquait-il àLibérationen avril 1995. La suite de la carrière de Simone se passe au Paris Saint-Germain, qui flaire la bonne affaire. Le Transalpin arrive en 1997 dans la capitale française comme une véritable star. Il en a également le salaire, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes au service comptable du club parisien. Mais sur le terrain, le PSG et ses supporters en ont pour leur argent. L’attaquant aux longs cheveux bruns va se montrer décisif, notamment en marquant un doublé lors de la demi-finale de la Coupe de la Ligue face à Lens puis en marquant en finale contre Bordeaux. Il marquera aussi en finale de la Coupe de France, à nouveau contre Lens, contribuant au double succès des siens cette saison-là. Sur le plan individuel, Simone est élu meilleur joueur de Division 1.

La diva

Dans l’euphorie, Charles Biétry, alors président du club parisien, annonce la prolongation de contrat de Simone. L’attaquant est interloqué et le fait savoir à la presse, affirmant n’en avoir jamais vu la couleur, et veut partir. Un premier épisode qui ternit déjà ses relations au sein du club parisien, même s’ils se voit confié le brassard de capitaine. Mais dans le vestiaire, cela commence à chauffer pour Simone, qui se met progressivement ses coéquipiers à dos, comme le raconte Jimmy Algerino, un autre ancien monégasque, dansL’Équipe: «C’était à Toulouse avec le PSG. À l’entraînement déjà, ça ne se passait pas bien entre Mickaël Madar, Bruno Rodriguez et Marco Simone. Comme j’étais proche de Rodriguez et Simone, j’étais intervenu. À Toulouse, à la mi-temps, je les ai encore calmés avant que ça ne dégénère. Marco l’a mal pris. Et à la fin, sous la douche, quand je lui ai dit : »Marco, tu joues à quoi ? »,parce qu’il ne m’avait pas donné un ballon, on en est venus aux mains.»

Simone s’isole, devient de plus en plus individualiste et ne se montre plus autant décisif. Ses partenaires en ont marre de lui et Bernard Lama le surnommera «la Diva». Toute cela, alors que la situation sportive du PSG est déjà difficile. Mais qu’importe, car l’attaquant a déjà acté son départ, suite à l’épisode Biétry de l’intersaison précédente. Et il part avec pertes et fracas : «Je vous laisse, avec votre petite équipe et vos petits joueurs», lancera-t-il à la face des Parisiens. Un affront que les supporters du PSG ne laisseront jamais passer. Lorsqu’il revient au Parc des Princes avec Monaco, les sifflets et les huées ponctuent chacune de ses prises de balles, lui qui, jadis, y avait été ovationné. En prime, une banderole est déployée à son encontre : «Fric, mensonges et trahison… Ciao Marco», peut-on lire, mais Simone n’en a cure. L’histoire d’amour fut aussi passionnelle que le divorce violent.

Au service de sa majesté

À Monaco, Simone arrive avec une réputation qui le précède. Attaquant racé mais caractériel, fin techniquement et adroit devant le but, il va également mettre à profit sa science du placement en même temps qu’il se mettra au service de ses coéquipiers. «À Monaco, il y a une ambiance où je peux travailler*, dira-t-il dansLibération*.A Paris, il était impossible d’être sérieux. On a changé de président, plusieurs fois d’entraîneur… Personne n’a pris ses responsabilités.» De son côté, Claude Puel parvient à le gérer intelligemment : «Certains joueurs sont très fiers, avec un ego développé. C’est ce qui les fait avancer. Il ne faut pas les brimer de ce côté-là, plutôt canaliser leurs énergies pour les insérer dans un collectif.» Les cheveux bruns laissent place à une crinière décolorée et Simone l’individualiste devient un joueur au service du collectif le temps d’une saison magique pour l’AS Monaco. Avec David Trezeguet, il va former une paire d’attaquants redoutable soutenue par un magicien pour les mettre dans les meilleures dispositions, un certain Marcelo Gallardo.

Cette saison-là, Simone termine le championnat avec 21 buts marqués, seulement un de moins que David Trezeguet et deux de moins que le désormais Lyonnais Sonny Anderson. L’attaquant assure qu’il préfère voir Trezeguet terminer meilleur buteur devant Anderson plutôt que lui. Lui, ce qu’il veut, c’est marquer les buts qui comptent, ceux qui font gagner les matchs difficiles. Et pour ne rien gâcher, il délivre 15 passes décisives, se révélant le Monégasque le plus décisif, puisque impliqué dans 36 des 69 buts de l’équipe. Pour compléter le tableau, Simone marque beaucoup en Europe, avec six buts en sept matchs. Avec 28 buts inscrits en 46 rencontres, il réalisé la meilleure saison de sa carrière tout en ayant pris part aux 34 journées que compte le championnat de France. Si les supporters admirent Gallardo, ils sont déjà nombreux à aduler l’Italien.

Chassez le naturel…

La saison suivante sera plus compliquée. L’ASM a vendu plusieurs joueurs-clés et ceux-ci seront mal remplacés. Simone a perdu Trezeguet et doit désormais faire la paire avec Shabani Nonda, le joueur le plus cher du championnat de France. Mais la greffe ne prend pas. Simone et Nonda se marchent sur les pieds, ne se trouvent pas, ne s’entendent pas. On dit que lui et Gallardo ne veulent plus jouer avec Nonda et qu’ils vont voir avec insistance le président Campora pour réclamer son départ et la venue d’un autre attaquant, qui s’intégrera mieux au collectif devenu bien moins efficace. Pourtant, les apparences sont sauvées car Simone et Nonda parviendront à inscrire de nombreux buts malgré tout. Simone en claque 16, principalement en brillant en Ligue des champions, avec six buts en six matchs. En championnat, il peine à retrouver son efficacité avec seulement sept buts en 30 parties.

Et puis, comme à son habitude, la belle histoire d’amour va vite tourner au vinaigre. Didier Deschamps, très marqué par l’Italie et son séjour à la Juventus, arrive sur le Rocher et voit d’un œil favorable le tandem Simone-Panucci, à la fois talentueux et expérimenté. Le technicien français décide de leur confier les clés du camion. En voiture, Simone, sauf que la sortie de route est proche. Les egos prennent le pas et Simone et Deschamps ne s’entendent pas. Un incident entre les deux hommes éclate à La Turbie. Simone est immédiatement prêté au Milan. Deschamps regrette de l’avoir confirmé comme capitaine lors de son arrivée, ce qu’il considèrera comme «sa plus grande erreur». L’année suivante, et sous l’impulsion de Jeannot Petit, chacun fait un pas vers l’autre. Le rabibochage ne durera qu’un temps.

Un soir de novembre 2002, une expulsion précoce de Flavio Roma face au Havre pousse Deschamps à faire sortir l’exubérant attaquant, qui entre alors dans une colère noire. Le surlendemain, Simone ne décolère pas et va signer son arrêt de mort : «Tu ne me serres plus la main, tu n’es pas un homme, tu es une m…», fulmine l’Italien. Le champion de France 2000 est de plus en plus isolé. Il s’allie avec les laissés-pour-compte de Deschamps pour essayer d’influencer Campora, qui le soutient. Mais virer Deschamps coût trop cher et c’est finalement ce dernier qui obtiendra la tête de tous ses ennemis. Les inimitiés que le champion du monde 1998 provoque sont nombreuses, à l’image du préparateur physique Patrick Legain : «J’ai résilié mon contrat à l’ASM parce que je ne m’entendais plus du tout avec Deschamps. Je n’aime pas travailler avec quelqu’un qui a plusieurs discours, un avec son staff, un autre avec ses joueurs et un avec ses dirigeants. Ça ne me correspondait plus du tout. Quant à Marco, ce qu’il a vécu avec Deschamps, je ne le souhaite à personne.»

La forte tête Simone est tombée sur plus fort encore, précipitant sa fin de carrière. Il sera libéré contre de juteuses indemnités et s’engagera avec Nice libre, sans plus jamais retrouver sa splendeur.

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