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Artelesa, maçon de cœur

Le destin de Marcel Artelesa s’est joué entre les chantiers et les terrains de foot. Si le football français a pu compter dans ses rangs ce défenseur de talent, largement oublié de nos jours, c’est à Troyes qu’elle le doit. Avec Artelesa, parpaings et béton n’ont jamais été aussi bien accordés.

Marcel Artelesa est un Aubois pure souche. Né à Pont-Sainte-Marie, dans l’agglomération troyenne, en 1938, il va faire ses classes à l’AS Troyes Sainte-Savine. À l’époque, on ne parle guère de l’Espérance, future ESTAC, dont la fondation remonte seulement à l’année 1986. En revanche, les amoureux du ballon rond peuvent déjà se presser vers le Stade de l’Aube pour assister à un match de football. Les Troyens pourront, vers la fin des années 1950, y admirer un défenseur qui n’aurait peut-être jamais pu s’y trouver. Marcel Artelesa fait ses premières armes à l’AS Troyes-Savinienne qu’il rejoint comme amateur, en 1954. Pourtant, Artelesa se destine à une carrière de maçon, bien loin du football. Il faut toute la persévérance de Marcel Vitoux, le président, et de Roger Courtois, l’entraîneur, pour le convaincre de devenir footballeur professionnel : « C’est pour cela que les copains m’avaient surnommé la Truelle », avait-il confié à Norbert Siri.

Artelesa va disputer sa première rencontre en 1957. Troyes évolue alors en deuxième division française. Une première saison à 19 ans à peine et où il dispute déjà 15 rencontres. Très vite, le jeune maçon va s’imposer dans la défense auboise et acquérir une solide réputation en D2. 31 puis 30 matchs les deux saisons suivantes, avec en prime une promotion en première division. Mais dans l’élite, Troyes va vivre une saison difficile. Artelesa beaucoup moins, puisqu’il intègre l’Équipe de France militaire. Même si son gabarit est loin d’être impressionnant (il mesure 1,73m pour 70 kilos), c’est sa science du placement et son âpreté dans les duels qui lui permettent de briller. Suffisamment pour attirer l’œil d’un club qui vient de conquérir son premier titre de champion de France et qui devient l’étoile montante du football français.

La Truelle va donc débarquer sur le Rocher à l’été 1961 et à seulement 23 ans. Monaco dépense près de 25 millions d’anciens francs (250 000 nouveaux francs qui donneraient aujourd’hui 38 000 euros) pour arracher Artelesa au nez et à la barbe du grand Reims qui le veut. L’ASM réalise un mercato estival à la hauteur de ses ambitions, avec une somme record de 150 millions d’anciens francs dépensés, et enregistre également l’arrivée d’Yvon Douis, un des meilleurs avant-centres français. Avec son titre acquis en 1961, Monaco va disputer la Coupe des clubs champions pour la première fois de son histoire et il faut donc se renforcer. Mais l’arrivée d’Artelesa a pour conséquence de pousser vers la sortie son capitaine emblématique, Raymond Kaelbel, contraint de quitter le club en raison d’un différend avec le président Antoine Romagnan.

L’ancien joueur de Troyes arrive par la pointe des pieds : « Quand on arrive d’un club modeste, qui lutte pour sa survie, dans un grand club qui joue le titre, on est drôlement impressionné, en particulier par la qualité de l’encadrement et le niveau des autres », confesse Artelesa. Mais cette timidité ne se verra jamais sur le terrain. Monaco va vite se remettre du départ précipité de Kaelbel avec Artelesa, qui s’impose immédiatement dans la défense et sera le joueur le plus utilisé par Lucien Leduc avec André Hess (40 matchs), même si cette saison se révèle décevante, avec une sixième place finale et une élimination européenne face aux Rangers, dès le premier tour. La saison suivante sera bien meilleure, inégalée encore dans l’histoire du club, avec ce doublé historique coupe-championnat. Là encore, Artelesa sera le joueur le plus utilisé par Leduc (46 matchs) et il va surtout se faire remarquer.

En Coupe d’Europe, Monaco va défier l’Inter Milan, considérée comme l’une des meilleures équipes européennes. Cette saison-là, l’équipe d’Helenio Herrera s’imposera en C1, avec un style résolument différent de ce que l’on pouvait voir sur les autres pelouses. Face au futur champion d’Europe, Artelesa livre une prestation brillante, comme le rapporte Sud-Ouest : « Le meilleur Monégasque fut indiscutablement Artelesa. L’arrière central international se montra irréprochable. Il relança constamment les attaquants. Il vint aussi très souvent les soutenir. Il était pourtant chargé de surveiller Mazzola, un jeune et élancé avant-centre de vingt et un ans, à qui le plus bel avenir semble promis. » À l’automne 1963, Artelesa va être appelé pour la première fois en équipe de France et il y atteindra le cap des 21 sélections. En 1964, France Football l’honore du titre de Footballeur français de l’année.

Marcel Artelesa suscite l’admiration de ses paires. Ainsi, son coéquipier monégasque, Georges Casolari, confiait à Norbert Siri : « Je vouais une profonde admiration à Marcel Artelesa. Simple, sobre et efficace. Un modèle du genre. » José Bessero, ancien gardien du club et reconverti comme masseur louait les qualités du défenseur central : « De tous ceux que j’ai accompagnés et massés pendant une vingtaine d’années, je crois bien que c’est Marcel Artelesa qui a rendu le plus de services au club. » Au début de la saison 1963-1964, Artelesa retrouve Roger Courtois, son entraîneur qui l’avait lancé à Troyes, qui vient remplacer Lucien Leduc. Une fracture pour un vestiaire si attaché à ce dernier, ce que reconnaîtra Artelesa. Monaco décline progressivement, voit ses stars avancer en âge et perdre en influence. Mais Artelesa a encore de beaux jours devant lui.

Il dispute la Coupe du monde en 1966 en Angleterre et s’engage à Marseille, où il fera l’unanimité là encore. Le gardien Jean-Paul Escale déclarera : « Le maçon, c’était Marcel Artelesa parce qu’il colmatait toutes nos brèches. Quel défenseur formidable ! Dur, précis, technique, d’une grande simplicité alors qu’il était international. Il nous avait beaucoup apporté. » Deux ans dans la cité phocéenne, un an à Nice puis à Paris-Neuilly, et le voilà de retour à Troyes. L’AS Troyes-Savinienne n’existe plus et a laissé place au Troyes Aube Football. Il y jouera en D2 pour réaliser encore trois saisons pleines avant de finir à Romilly-sur-Seine comme entraîneur-joueur, en D4, puis comme simple entraîneur jusqu’en 1997, avec toujours l’envie de bâtir.

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