Privé de Caio Henrique pour quasiment toute la saison et avec le très probable départ à la CAN d’Ismail Jakobs en janvier, Monaco s’est activé bien avant le mercato hivernal pour signer Kassoum Ouattara, jeune latéral gauche de 19 ans, en provenance d’Amiens et international français U20.
L’arrivée de Ouattara en Principauté a pu surprendre, mais cela faisait quelque temps que les recruteurs monégasques avaient le défenseur d’origine ivoirienne dans le viseur. Propulsé titulaire dans la défense amiénoise cette saison, il a joué 10 rencontres en Ligue 2 (22 au total depuis la saison dernière) et Monaco a aligné deux millions d’euros (plus deux autres millions en bonus) pour s’attacher les services d’un joueur qui a pour l’instant tout d’un pari.
Côté amiénois, elle est aussi inattendue de par son timing, alors que le club entraîné par Omar Daf ne dispose pas d’énormément d’options à ce poste. Pour le journaliste du Courrier Picard Rachid Touazi, le projet amiénois, fondé sur une stratégie de trading de joueurs, ne laissait que peu de doutes sur l’avenir à court terme de Ouattara au stade de la Licorne : « L’année dernière, il y avait des clubs anglais sur lui. Je pense qu’Amiens voulait le vendre. »
Quand Amiens obtient sa signature
Ouattara a débarqué à Amiens en 2020, après des débuts à Ivry, puis un passage à Montrouge, en région parisienne, où il va passer entre les mains de Thomas Berlette. C’est là qu’il va se faire remarquer par des clubs professionnels : « J’ai récupéré les U15 R2 qui venaient de descendre de R1, explique celui qui est désormais entraîneur adjoint de l’équipe réserve de Reims en National 3. Le deal pour qu’il reste, c’était qu’il s’entraîne aussi avec les U17 nationaux car ça compensait la descente d’une division. Il y a un recruteur d’Amiens qui le repère, le suit et vient le voir à l’entraînement et ils le font monter à Amiens pour le signer rapidement, car plusieurs clubs commençaient à se positionner. »
Sur le jeune joueur, des clubs français et étrangers, et tout particulièrement des clubs italiens, qui « l’aimaient beaucoup, mais ce n’était qu’au stade des renseignements, précise Thomas Berlette. Mais ça commençait à s’agiter, donc Amiens a compris que pour l’avoir, il fallait prendre tout le monde de court, ce qu’ils ont fait. » Recruteur et journaliste, Mohamed Bezzouaoui avait lui aussi pu apercevoir son potentiel lorsqu’il portait la tunique de Montrouge : « Ce n’était pas un joueur avec des qualités vraiment fortes, mais il courrait énormément et était très rigoureux et discipliné. Il était rapide, très mature, très concentré et c’est ce qui a fait que les clubs ont commencé à s’intéresser à lui car il jouait juste et apportait ce qu’il fallait sur le terrain. »
Un physique impressionnant au service d’une intelligence tactique
Ce qui frappe avec Kassoum Ouattara, c’est d’abord sa grande taille, même si ça n’a pas toujours été le cas. Longiligne, le défenseur de l’AS Monaco a grandi d’un coup, entre 15 et 16 ans, nous rapporte son ancien entraîneur : « De base, Kassoum est un joueur petit par la taille, mais il est devenu très grand et il a gardé les qualités des plus petits gabarits. » Dans son parcours, le déficit athlétique aurait pu lui porter préjudice, mais Thomas Berlette indique que cela lui a plutôt permis de puiser d’autres ressources ailleurs : « Il n’était pas le plus rapide quand il était petit donc c’était un peu plus compliqué, mais il compensait son déficit athlétique par son intelligence situationnelle. »
Interrogé par L’Équipe, le sélectionneur de l’équipe de France U18 Jean-Luc Vanucchi avait expliqué avoir été interpellé par les données athlétiques de Kassoum Ouattara. Une information que Thomas Berlette est en mesure de confirmer : « C’est une machine ! Il était tout le temps dans les premiers sur les tests VMA et différents autres tests. C’est lié aussi à ses capacités mentales. C’est un gros travailleur, il ne lâche rien, il va toujours au bout de lui-même dans les séances. »
Ce physique est toutefois au service d’une tête bien pleine pour Ouattara. Thomas Berlette se souvient d’un joueur qui comprennait rapidement les consignes et qui était capable de les mettre rapidement en pratique : « C’est un joueur qui n’a pas besoin qu’on lui répète dix fois les choses. Donc on peut vite passer à autre chose avec lui et travailler d’autres déplacements plus complexes. »
Kassoum Ouattara – Analyse du joker de la licorne
— Captain Armorica (@CaptainArmoriK) November 2, 2023
En bref : né en 2004 à Paris, latéral ou plutot piston gauche, en provenance d’Amiens (ligue 2), l’analyse restreinte liée à son manque de temps de jeu sera peu illustrée cette fois-ci, mes excuses.
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Autre trait de caractère de Kassoum Ouattara, sa bonne attitude, unanimement reconnue : « C’est un garçon très bien élevé. Très respectueux, très travailleur, pas un mot plus haut que l’autre, toujours à l’heure, toujours présent et l’envie de progresser », avance Thomas Berlette. Et cela n’a pas changé avec les années, puisque Rachid Touazi, qui l’a suivi pendant un peu plus d’un an à Amiens, confirme à son tour : « C’est un bon gamin, très gentil, humble et attachant ».
Des qualités techniques indéniables
Si les dimensions athlétiques et mentales ont d’avantage été mises en avant depuis son arrivée, Thomas Berlette estime que ses capacités techniques sont trop souvent passées sous silence : « Pour moi, sa plus grande qualité c’est celle technique. Sa qualité athlétique lui sert, bien sûr, mais c’est quelqu’un qui est assez fin techniquement, qui a un bon pied gauche, qui est capable d’envoyer de vraies passes longues et des centres. Après, être capable de répéter les courses, forcément ça aide quand on est latéral ou piston. »
Il en veut pour preuve que l’année avant de l’avoir au sein de son groupe, l’entraîneur précédent l’avait fait jouer au milieu de terrain en raison de son retard athlétique : « Ça a toujours été un bon joueur de ballon, d’ailleurs l’année avant les U15, le coach qui l’avait en U14 l’avait replacé au milieu de terrain. Sur le côté, il trouvait que face à des joueurs en avance physiquement ce n’était pas facile, tandis que techniquement, il pouvait s’en sortir au milieu et la différence athlétique se voyait moins. » Rachid Touazi, qui a eu l’occasion de l’observer sur chacune de ses sorties amiénoises, est en mesure de confirmer les facilités balle au pied de Ouattara : « Techniquement il est très bon. Il a une bonne patte gauche et on sent qu’il aime bien le ballon, qu’il est joueur. »
Des lacunes défensives mais l’envie de progresser pour s’imposer
Si Rachid Touazi lui reconnaît une belle « patte gauche », il a concédé encore quelques errements défensifs et estimé que c’est encore un domaine dans lequel il doit s’améliorer : « Il a fait beaucoup d’erreurs. Sur le début de saison, il y a plusieurs buts pour lui, sur des erreurs de relances, de placement, pour revenir défendre. C’est un jeune joueur mais il a encore des lacunes. (…) Certaines équipes, comme Angers (défaite 1-4), l’avaient ciblé et jouaient beaucoup sur son côté. (…) Il est tellement doué qu’il a du mal à se réfréner offensivement, mais il faut qu’il apprenne à défendre. »
Mais le journaliste du Courrier Picard ne s’inquiète pas pour son évolution, car il sait que le joueur a déjà conscience de ses points à améliorer : « Il connaît ses axes de progression. Il a envie de progresser et réussir. » Il a tout de même pu constater l’évolution positive du joueur pendant le court laps de temps où il a joué avec les pros au stade de la Licorne, grâce notamment à ses sélections récentes en équipe de France de jeunes : « La première sélection avec la France l’a boosté ».
Pour l’heure, Kassoum Ouattara va d’abord devoir s’adapter à son nouvel environnement, ses nouveaux coéquipiers et une nouvelle tactique portée par un entraîneur, Adi Hütter, plus joueur que le précédent Omar Daf. Avant de prendre son envol dès le mois de janvier quand Jakobs partira à la CAN ? : « Il a tous les outils pour s’imposer, assure Thomas Berlette. Après dans le football, il y a toujours une part de réussite et une part de chance. Tactiquement, techniquement, athlétiquement, il a tous les outils pour réussir, même si parfois ça ne suffit pas. Il faut la confiance du coach, le bon contexte. Son départ à Monaco ne m’a pas surpris, après il faut qu’il se mette au rythme de la Ligue 1, car c’est un autre rythme que celui de la Ligue 2, mais je ne me fais pas de soucis. » Espérons donc que Ouattara trouvera tout de suite le bon tempo à Monaco.