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Il y a toujours plusieurs vies en une seule 

Il n’y a, dans notre football français, aucun club que l’on surnomme la « Vieille Dame », comme on peut le trouver en Italie. Tout juste parle-t-on de « doyen » quand on évoque Le Havre, titre vaguement formel mais franchement dénué de sentiments. L’AS Monaco, c’est donc un peu notre « Vieille Dame » à nous, désormais. Celle que l’on adore, que l’on chérit, que l’on ne veut jamais voir partir, celle que l’on continue d’aimer même si elle a beaucoup changé. Elle est née lorsque le XXe siècle avait 24 ans. Eh bien voilà, nous y sommes. Du 23 août 1924 au 23 août 2024, cela fait un nombre tout rond, le premier à trois chiffres. Cent ans, un siècle, presque une éternité. Peu de clubs en France peuvent prétendre à pareille longévité et aujourd’hui, l’AS Monaco entre dans ce cercle restreint. Il y en a d’autres, bien sûr, mais dès lors qu’il s’agit d’allier cette ancienneté à un prestige élevé, les candidats se font tout à coup bien plus rares.

Autre temps, autres mœurs, notre Vieille Dame s’est métamorphosée durant ce siècle d’existence. Et quand parfois les affres du football de son époque l’ont fatiguée, usée, quand quelques rides ont commencé à poindre sur le front et le coin des yeux, elle s’est comme miraculeusement transformée. Elle a certes parfois usé d’une chirurgie salvatrice, sans ce que cela ne la change du tout au tout, et il faut s’en féliciter au moment même ou d’autres pleurent un massacre au bistouri, voire même un désossage. Aujourd’hui, du haut de son grand siècle, notre Vieille Dame nous regarde et nous la regardons tels que nous l’avons toujours fait, en voyant sa singularité, ce qui fait son charme, cette « mouche » coquette au-dessus de la lèvre qui la rend reconnaissable entre mille.

Solidement ancrée sur son Rocher, comme ces mamies qui ont leurs petites habitudes sur les bancs de la place du village en plein été, à l’abri des larges platanes, elle a pu parfois vaciller quand beaucoup ont tenté de l’en déloger, mais elle n’a jamais défailli, ni capitulé. On lui a souvent reproché de manquer de caractère, mais pour accomplir tout ce qu’elle a accompli, notre Vieille Dame, il lui en fallait bien quand même un peu. Celui de ces cuirs tannés du Sud qui disent peu mais qui savent où aller. « La route est longue, avec de nombreux virages sinueux qui nous mènent on ne sait où », comme disent The Hollies.

Dans une vie, il y a parfois des moments de doutes, d’égarements. Ils succèdent – où précèdent, c’est selon – des moments de succès. Des petites vies dans une longue existence. Notre Vieille Dame a bien connu tout ça. Parfois des terribles dont on eut alors préféré qu’ils ne durent pas, et d’autres fastes et brillants, que l’on a bien sûr trouvés trop éphémères. Mais sa vie ne s’est jamais arrêtée, son cours ne s’est jamais interrompu et quand on a pu craindre de voir la fontaine se tarir, l’eau a toujours fini par rejaillir, gorgée de vie et d’autres choses excitantes. Alors s’il y a bien plusieurs vies en une seule, il n’y a qu’à souhaiter qu’elles soient encore nombreuses et riches comme l’ont été celles d’avant. D’ailleurs, il paraît qu’il y en a une nouvelle à venir.

Bon anniversaire et Daghe Munegu !

5 Commentaires sur “Il y a toujours plusieurs vies en une seule 

  1. Laurent says:

    Très bel article Damien.
    Merci pour la vieille dame qui mérite beaucoup d’attention tant elle nous apporte au long de l’année.

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